L’élection à la présidence de l’institution, pour succéder à Denis Masseglia, aura lieu le 29 juin. Deux femmes et deux hommes sont en lice et ont présenté leur programme dans le cadre d’un grand oral. En voici la synthèse. Galanterie oblige, nous donnons cette semaine la parole aux deux candidates. Viendra le tour de leurs acolytes masculins dans le prochain numéro de CROS Actu.

Brigitte Henriques, vice-Présidente de la FFF et

du CNOSF

« Je revendique d’être dans l’esprit d’une pionnière, s’est présentée Brigitte Henriques qui défend un programme au titre évocateur : « Révélons la France du sport # Partenaires ». Je veux apporter un souffle nouveau et faire bouger les lignes Je suis une femme de progrès. A la Fédération française de football (FFF), j’ai contribué à faire tomber les barrières culturelles pour passer de 50 000 à 200 000 licenciées. »

Faire du CNOSF «  une tête de réseau incontournable et influente »

Son premier objectif est de faire du CNOSF « une tête de réseau incontournable et influente », ce qui implique de le « renforcer » tout en « réaffirmant son rôle au service des fédérations et de ses membres mais aussi de de notre société, tant au plan national qu’international ». Le tout en misant sur « l’intelligence collective et la gouvernance partagée » pour « passer de la réaction à l’anticipation jusqu’à être force de proposition ».

Pour cela, Brigitte Henriques entend « façonner le rôle de leadership et d’influence » du CNOSF, notamment en mettant en place, pêle-mêle, un observatoire du sport fédéral, un conseil stratégique ainsi qu’un club des parlementaires. Sans omettre, bien sûr, de formaliser une liste de propositions en vue des élections présidentielles de 2022.

Autre nécessité, « nouer des relations de proximité et de confiance avec les fédérations » en transformant les collèges de fédérations au sein du CNOSF par la grâce d’un « décloisonnement agile et adapté ». Sans compter la création d’un département dédié au service aux fédérations, favorisant à la fois un accompagnement individualisé de chacune et la mutualisation des actions. Le tout sans omettre « d’écouter le terrain », en particulier les CROS et les CDOS, la commission des Territoires ayant vocation à être « renforcée ».

Enfin, il s’agira de moderniser la gouvernance du CNOSF et de son réseau territorial en instaurant la parité au sein du Bureau exécutif, en s’ouvrant à la jeunesse via la création d’un Conseil des jeunes, en organisant des États généraux des clubs deux fois par mandature et en instaurant un Club France des entreprises afin qu’elles soient en capacité de donner du sens à leur engagement.

« Ancrer la dimension sociale et citoyenne et éducative du sport »

Brigitte Henriques entend également valoriser le produit sport en tant que tel. Il s’agira « d’ancrer la dimension sociale, citoyenne et éducative du sport comme pilier du mouvement sportif », en particulier de « reconsidérer la place de l’APS et de l’EPS au sein du parcours éducatif scolaire, de la maternelle à l’université ». Outre l’organisation de la première conférence de la responsabilité sociale du sport et la signature d’une charte afférente, cela commande d’augmenter les potentialités de la Carte passerelle et d’assurer une promotion plus intense du dispositif Mon club près de chez moi.

Par ailleurs, la candidate veut renforcer la lutte contre toute les formes de discriminations, de violences et de comportements non républicains et préserver l’intégrité des compétitions. A la clef, l’émergence d’une commission spéciale de lutte contre les violences sexuelles pour épauler les fédérations mais également la sollicitation de l’expertise d’associations de prévention afin de mener des actions de formation. En toile de fond, il sera incontournable d’accentuer la mixité dans le sport et le soutien au sport féminin via un programme spécifique. Par exemple, par le biais d’un Club mixité destiné à promouvoir la mixité et la féminisation des instances fédérales. Même principe en ce qui concerne la contribution à la réussite des JOP avec un comité de pilotage au sein du CNOSF dont la mission sera de « modéliser la stratégie de mobilisation pour faire rayonner cet événement ».

Brigitte Henriques veut aussi faire du CNOSF une organisation qui soit dans l’ère de son temps. D’où l’aspiration à « intégrer les enjeux environnementaux au cœur de la stratégie du CNOSF » et de « renforcer les passerelles entre le mouvement sportif et les ONG de protection de l’environnement ». Dans la même veine, il est question de « renforcer l’engagement RSO des fédérations et de développer la plate-forme RSO du CNOSF et son label Développement durable ».

Le volontarisme plutôt que l’assistanat

Bien sûr, le nerf de la guerre est sonnant et trébuchant. Là, Brigitte Henriques mise sur le volontarisme plutôt que sur l’assistanat : « Il faut se retrousser les manches pour gagner en autonomie. N’attendons pas tout de l’État et diversifions les ressources économiques. » Et de citer John Fitzgerald Kennedy : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Pour autant, le CNOSF se fera fort « d’accompagner la transformation économique des fédérations », notamment dans l’élaboration de leurs stratégies marketing et d’innovation ainsi qu’en matière d’élargissement de leurs offres de pratiques, y compris digitalisées (e-sport). Le but est de les soutenir dans la recherche de financements européens, nationaux, régionaux ou sous forme de mécénat. Avec, comme corollaire, le fait d’obtenir du Gouvernement « l’allègement des freins juridiques et économiques à la pratique en club ».

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj (Coprésidente de la FSGT et

administratrice du CNOSF)

Intitulé « Nous le sport 2021 », le programme porté par Emmanuelle Bonnet-Oulaldj se veut « une vision et un projet politiques pour l’avenir du CNOSF, non pas au sens partisan du terme mais dans le sens où le sport, c’est la vie de la cité et du village, des citoyens et des citoyennes ». En somme, « un élément à part entière de la transformation de la culture et de l’émancipation ». Il se décline en trois axes, matérialisés par trois concepts : ceux de résilience, de solidarité et d’exigence.

La résilience

La résilience a vocation à « sortir de la crise en mettant l’humain au cœur de la pratique », justifie Emmanuelle Bonnet-Oulaldj. Ce qui imposera, même après l’échéance des Jeux de Paris en 2024, de relever « des défis qui seront toujours bien présents et pressants », et d’abord ceux de la lutte contre les inégalités, de la transition écologique ou encore, technologiques.

Pour franchir ce palier, Emmanuelle Bonnet-Oulaldj suggère « d’identifier les besoins fondamentaux de la pratique physique et sportive de la population dans sa diversité et à tous les âges de la vie » afin, dans un second temps, de « construire un ensemble des réponses, des contenus et des formes d’organisation adaptées à ces enjeux ». Le cahier des charges est simple : être plus inclusif et plus accueillant dans la mesure où « le sport ne porte pas de valeurs éducatives positives intrinsèques. Elles se construisent. » Dans cette optique, Emmanuelle Bonnet-Oulaldj appelle à « ouvrir les fenêtres » et à « casser les murs et les cloisons » car « nous avons besoin de davantage d’espaces de partage et de projets communs ». Quant aux athlètes, ils sont invités à « renforcer leur capacité à innover, à inventer leurs propres techniques et leurs propres formes de jeu pour prendre du plaisir, gagner et, à leur tour, transmettre ».

A l’heure où des « jeunes dérochent de la pratique en club car ils en ont une représentation comme de quelque chose qui n’est pas adapté, qui est ennuyeux et qui pourrait même parfois produire du rejet et de l’exclusion », il serait pertinent de « renouer avec des assises nationales du sport en appui sur un espace ressources permanent dédié à la recherche et à la prospective », préconise Emmanuelle Bonnet-Oulaldj. Qui entend expérimenter des tiers-lieux sportifs et associatifs interfédéraux notamment dédiés à la parentalité, au coworking et à l’entraide. « Une manière de s’adresser davantage à des non-sportifs », de « penser une politique de partenariat tournée vers la société civile » et de « promouvoir des projets communs d’inclusion par le sport ».

La solidarité

La solidarité est à la solde d’une « reconnaissance des fédérations sportives dans leur diversité », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj qui assure que « pour créer du partage, nous devons mieux nous connaître et nous comprendre mais également valoriser les spécificités et les singularités de chaque fédération ». En clair, « le CNOSF doit être un espace de mutualisation et de partage ». Dans cette optique, il ne faudra pas omettre de solliciter les CROS et les CDOS qui sont dotés d’une « grande capacité à créer de l’autonomie dans l’interdépendance et des projets spécifiques à leurs territoires en transversalité avec les comités et les ligues ».

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj n’est pas une adepte du passage en force. « J’ai envie de résister à l’esprit de concurrence, martèle-t-elle. Le mot clef, c’est la coopération qui doit prendre la forme d’un espace de mutualisation des ressources (juridiques, numériques…) où aucune fédération ne serait laissée de côté parce qu’elle n’aurait pas les moyens. » D’où l’envie de développer les services sur les questions liées au développement, au numérique, au juridique et à l’assurance.

Par ailleurs, « le CNOSF doit favoriser la féminisation, insiste Emmanuelle Bonnet-Oulaldj. La seule mixité n’est pas une réponse. Nous devons tendre vers l’égalité, laquelle ne veut pas dire la parité tout le temps et partout. » Illustration avec l’avènement d’une coprésidence homme-femme du CNOSF à partir de 2025 complété, au demeurant, par « un système plus égalitaire d’expression des fédérations » sur le mode un membre, une voix.

Et, au quotidien, il est crucial de faire du sport dans un contexte qui préserve l’intégrité de tous. « Je ne veux plus qu’une fédération soit démunie face à la question des violences, qu’il s’agisse du racisme, du sexisme, de l’homophobie ou des violences sexuelles. Il faut prévenir, accompagner et garantir les droits des victimes », affirme Emmanuelle Bonnet-Oulaldj qui, pour cela, concevra un plan d’actions coordonnées contre les violences dans le sport.

L’exigence

Il s’agit là d’un leitmotiv « pour agir sur le débat public au service de l’intérêt général ». « J’exigerai un budget du sport qui soit de 1 % du budget de la Nation. Ce seront autant de moyens pour accompagner les fédérations et les clubs dans le développement », promet Emmanuelle Bonnet-Oulaldj qui plaidera également pour « une reconnaissance du bénévolat à travers du temps libéré ».

Autres pistes, la pérennisation du Pass’Sport et un élargissement de ses bénéficiaires jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans mais aussi, dans un autre registre, des équipements sportifs plus inclusifs et la création d’une vice-présidence du CNOSF en charge de la transition écologique. La visée est de taille : en l’occurrence, « l’avènement d’un véritable service public du sport » doublé d’un « projet commun coconstruit où chacun n’est pas dans une situation de repli sur soi mais plutôt de mise en partage ». Dans cette logique, il est impératif que « les conditions d’une appropriation citoyenne de l’avenir des Jeux olympiques et paralympiques » soient réunies.

Alexandre Terrini