La première édition du guide « Laïcité et fait religieux dans le champ du sport – Mieux vivre ensemble » est sortie avant l’été, sous l’égide du ministère des Sports. Un document de référence qui est aussi l’occasion de rappeler les grandes règles inhérentes au respect de cette valeur fondatrice de la République. Comme d’autres, les clubs et les instances du sport francilien sont les destinataires prioritaires de ce livret.

La laïcité dans le sport, c’est quoi ?

De manière générale, le respect du principe de laïcité dans le cadre de l’activité ou de la pratique sportive doit concilier en permanence trois exigences :

  • La manifestation de la liberté de conscience du pratiquant sous réserve du respect de l’ordre public ;
  • L’exigence de neutralité des collectivités territoriales dans l’organisation et l’accès aux activités sportives ;
  • L’exigence de neutralité des dirigeants, des arbitres et des encadrants des fédérations sportives agréées (lesquelles exercent une mission de service public), de leurs organes déconcentrés (comités, ligues) et, le cas échéant, des ligues sportives professionnelles.

Plus précisément, la liberté de conscience et sa manifestation sont reconnues aux pratiquants sportifs amateurs (ou simples adhérents d’un club sportif), aux licenciés sportifs, aux sportifs professionnels, aux usagers du service public du sport (usagers des services sportifs municipaux mais aussi des établissements publics ou des fédérations délégataires ou agréées).

Les restrictions à la liberté de conscience

Il importe d’introduire une nuance dont les conséquences sont des plus concrètes : si la liberté de conscience est absolue, sa manifestation, elle, ne l’est pas. Ce qui signifie qu’elle peut être réduite et aménagée pour divers motifs. À condition, toutefois, que ces derniers soient objectifs, c’est-à-dire relèvent de la sécurité, de l’hygiène ou du respect de l’ordre public.

Il n’existe pas, sui generis, dans le champ du sport, de restriction législative particulière à l’exercice de la liberté de conscience. Il est donc interdit, pour une structure accueillant du public, qu’elle soit publique ou privée, de fonder une mesure restrictive de liberté de conscience sur l’unique motif de la restriction de son expression. Si tel est le cas, la discrimination pourrait être avérée et sanctionnée. Cependant, le prosélytisme (qui ne se caractérise pas par le port d’un signe mais par un acte, des écrits ou des paroles) est interdit dans l’enceinte de la structure. On l’a dit, seul, le respect de l’ordre public et celui des règles d’hygiène et de sécurité (applicables, pour ces deux dernières, aux structures privées) est de nature à justifier la restriction de la liberté de manifester ses convictions.

Pour éviter les divergences d’interprétation, il préférable de faire figurer de telles restrictions dans le règlement intérieur de la structure sportive (publique ou privée). Le responsable de cette dernière ou l’organisateur de la compétition et/ou de la pratique sportive doivent veiller à faire preuve de la plus grande attention dans son maniement. Il convient, surtout, de proportionner l’interdiction et de mettre en évidence un lien de cause à effet entre la liberté et sa restriction. La restriction d’accès à la structure sportive ou à la compétition et/ou à la pratique sportive doit s’appuyer sur un objectif légitime et proportionné et ne pas cacher une potentielle discrimination pour un motif religieux. En outre, le responsable de la structure sportive ou de l’événement sont tenus de s’assurer de leur légitimité (ou compétence) pour prendre une telle mesure. En d’autres termes, disposent-ils des prérogatives pour agir de la sorte ? Les fédérations et les clubs affiliés, eux, en disposent.

Quant au motif religieux, il pourra être invoqué dans un cas : si l’exercice de la liberté de conscience vient troubler la tranquillité publique, autrement dit, perturbe le bon fonctionnement de la structure ou de la compétition et/ou de la pratique sportive du fait de son prosélytisme. Ici encore, la vigilance est de mise puisque le motif doit être dûment justifié.

Quid dans les clubs de sport amateurs ?

Il convient de distinguer les clubs qui sont affiliés aux Ligues et Comités membres du CROS Île-de-France, des clubs sportifs professionnels qui, eux, poursuivent un but lucratif et ne sont pas soumis au principe de neutralité. Pour ce qui est des pratiquants et des licenciés des clubs amateurs, c’est la liberté de conscience qui s’applique. Cependant, leur liberté de manifester leurs convictions peut connaître des restrictions objectives qui doivent alors être inscrites dans le règlement intérieur.

Par ailleurs, les clubs de sport privés, n’exercent pas de mission de service public. Leurs personnels (salariés et bénévoles) ne sont donc pas soumis, en principe, au respect de la neutralité et peuvent donc manifester leur liberté de conscience tant que celle-ci ne vient pas compromettre le bon fonctionnement de la structure. À cet égard, il est néanmoins possible qu’une structure sportive amateur prenne des mesures restrictives à l’exercice de cette liberté. Là encore, afin de limiter le risque contentieux pour un motif de discrimination, elle doit agir dans un cadre bien précis : les mesures restrictives ne peuvent être générales et absolues ; elles doivent être justifiées et proportionnées au but recherché.

A noter, enfin, que les manifestations sportives et les compétitions organisées par les fédérations délégataires d’une mission de service public sont tenues de respecter le principe de neutralité, de même que leurs organisateurs.

Alexandre Terrini

 Le sport demeure un champ propice à l’expression et à l’interaction entre les individus. C’est sa grande force et ce qui donne une réalité concrète à ce « vivre ensemble ». Expression du fait religieux et laïcité ne sont pas, en soi, incompatibles dans le champ du sport, tout simplement parce que la laïcité n’est pas synonyme de bannissement du fait religieux dans notre société (et a fortiori du champ du sport qui en fait partie).

Roxana Maracineanu, Ministre des Sports