Parce que la quatrième vague de Covid-19 s’abat d’ores et déjà sur le pays, le Gouvernement a fait le choix d’imposer le Pass sanitaire dans de nombreux secteurs y compris celui des activités physiques. De quoi susciter une appréhension des acteurs du sport francilien.

Depuis le 21 juillet, le Pass sanitaire s’applique dans tous les Établissements recevant du public (ERP), qu’ils soient couverts ou de plein air. Et ce, dès lors que leur capacité d’accueil est supérieure à cinquante personnes. Ne sont pas comptabilisés dans ce seuil les salariés de l’ERP ni les bénévoles, c’est-à-dire pas les encadrants ni les dirigeants. En outre, le pass sanitaire ne concerne pas les mineurs. Enfin, s’il dispense du port du masque, il n’empêche pas le respect des protocoles sanitaires en vigueur (port du masque, distanciation sociale). Pour ce qui est des ERP qui reçoivent moins de cinquante personnes, le pass sanitaire ne revêt pas de caractère obligatoire. En revanche, il l’est (là encore, sauf pour les mineurs, les bénévoles et les salariés) pour les manifestations autorisées ou déclarées dans l’espace public dès lors qu’elles associent plus de cinquante individus.

« Je ne veux pas repasser une saison à voir les gens de loin »

Concrètement, le pass sanitaire doit être excipé par les intéressé âgés de plus de dix-huit ans dès que la jauge fatidique est atteinte. Ce qui peut se produire tant en tribunes au cours d’un évènement auquel assiste le public qu’à l’entraînement si plus de cinquante pratiquants sont réunis simultanément. Avec une subtilité : il peut arriver que, dans un gymnase, une grande salle soit divisée en plusieurs aires séparées, par exemple par des rideaux, où chacun parfait ses gammes dans sa discipline respective. En théorie et même si des zones d’ombre subsistent en la matière, ce serait bien l’ensemble des sportifs présents sur le site et non pas chaque groupe qui serait pris en compte pour savoir si ladite jauge est dépassée ou pas. « Pour l’instant, on est surtout dans le flou au niveau des informations », déplore Bruno Girard, Président de la ligue d’Île-de-France d’haltérophilie, qui veut croire que « les passionnés qui auront envie de s’entraîner sauront franchir le pas ». « Beaucoup de choses ne sont pas claires, par exemple, quelles seront les sanctions en cas de loupé, renchérit Alain Szenicer, Président de la ligue d’Île-de-France de savate, boxe française, et disciplines associées. Il faut que l’on ait des précisions de la part du Gouvernement et qu’elles soient inscrites dans les textes. » À noter que les contraintes décrétées par les pouvoir publics n’opèrent aucune distinction et visent tout autant les sports de plein air, notamment collectifs. Ce qui, pour ces derniers, sera sans doute plus problématique car la probabilité, sur le terrain, d’être au-dessus la jauge est majorée.

« On n’aura pas d’autre choix que de se conformer à la loi comme nous le faisons depuis le début de la pandémie pour que le sport conserve sa crédibilité, commente Luc Montblanc, Président du comité régional d’escrime. Il s’agit de ne pas créer des clusters là où c’est évitable. Le but est également de renouer avec la compétition et d’avoir une activité à peu près normale en vivant avec les autres variants qui arriveront. Sincèrement, je ne vois pas bien quelle autre solution il y aurait. Si l’on peut s’épargner de devoir se soumettre à des tests PCR systématiques, je pense que, quelque part, nous regagnerons en liberté. Au vu de ce que l’on vient de vivre, on n’a pas tellement le choix des moyens. Je ne veux pas repasser une saison à faire des visios et à voir les gens de loin alors que si je suis bénévole, c’est pour être à leur contact. Je suis persuadé que dans leur grande majorité, les uns et les autres mettront de l’huile dans les rouages. Même si, au début, le côté désagrément primera, au bout d’un temps, ils se feront une raison afin de sortir par le haut de cette épidémie »

« On constate déjà les effets en matière de prise de licences »

Cependant, on imagine aisément l’impact de telles mesures pour les clubs dont la tâche va être singulièrement compliquée. Ce sera à eux de vérifier que chacun est bien titulaire du pass sanitaire requis. « Ce sera compliqué à mettre en place car de par nos fonctions, nous ne sommes pas assermentés pour ça comme peut l’être la Police », insiste Philippe Pudelko, Président de la ligue d’Île-de-France de handball. Or, les associations n’ont forcément pas les moyens humains de s’acquitter de cette mission chronophage et potentiellement source de tensions avec ceux qui refuseraient de produire le précieux sésame. « Elles n’ont souvent pas les ressources pour à la fois accueillir, contrôler et entraîner leurs adhérents », confirme Alain Szenicer. Et de rappeler que « les sports de combat ont été les premiers à être interdits et les derniers à être de nouveau autorisés. C’est pourquoi nous espérions que les choses pourraient reprendre normalement. Tout cela risque d’être, pour certains, un frein à l’heure de retourner à la salle. »

La crainte est, bien sûr, à terme, un durcissement de ce dispositif. Celui-ci pourrait prendre la forme d’un pass sanitaire qui s’appliquerait aux adolescents de douze ans et plus ou encore, qui entrerait en vigueur dans toutes les enceintes sans considération de jauge. Sans compter, ceux qui, pour des motifs personnels, ne veulent pas se faire vacciner ou faire vacciner leurs enfants mineurs, quitte à renoncer, pour eux-mêmes et/ou pour leurs progénitures, à prendre une licence et à s’adonner à une activité sportive encadrée. Un cocktail qui, après une saison 2020-2021 marquée par une chute abyssale des effectifs, s’avérerait extrêmement explosif. « Ce serait une catastrophe, prévient Philippe Pudelko. Le moindre mal serait d’en rester à la configuration actuelle du pass sanitaire. On constate déjà les effets en matière de prise de licences. Alors que c’était bien reparti depuis le mois de juin, les annonces gouvernementales l’ont fait retomber pratiquement à zéro. Les clubs attendent de savoir comment cela va se passer au regard de cette quatrième vague. » Ils ne sont pas les seuls.

Alexandre Terrini