Co-organisé par le Secrétariat Général du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (SG-CIPDR) et le ministère des Sports, le premier regroupement des référents des trois réseaux (déconcentrés, établissements et fédérations sportives) sur la prévention de la radicalisation a eu lieu à Paris, les 11 et 12 février derniers. Il s’agissait à la fois d’instaurer une véritable culture de la vigilance commune et de préciser quoi faire et comment en cas de suspicion.

Ces deux journées de travail s’inscrivaient dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national de prévention de la radicalisation (PNPR), officialisé le 23 février 2018. Un dispositif qui concerne aussi les instances déconcentrées des fédérations sportives que sont les Ligues et les Comités Régionaux ainsi que les clubs, partout sur le territoire, en Île-de-France et ailleurs. La radicalisation, rappelle le ministère des Sports, dans sa brochure intitulée « Prévenir la radicalisation dans le champ du sport », est un phénomène lié à l’exploitation de conflits d’identité mais aussi de fragilités renforcées par des ruptures (scolaires, familiales, professionnelles…) propres à chacun. Elle se caractérise par une offre radicale, autrement dit, par un ensemble de discours, de croyances et de visions du monde qui, associés, forment une réponse « prête à l’emploi » proposée à une personne vulnérable. A noter, en outre, que les processus de radicalisation d’un individu sont souvent perceptibles dans les lieux de socialisation, notamment ceux dédiés à la pratique sportive. D’où la nécessité, en particulier pour les encadrants dans les associations sportives, de savoir les diagnostiquer, les prévenir, voire les dénoncer. Le ministère des Sports explique comment.

Identifier les signes de radicalisation

Le processus de radicalisation se manifeste à trois niveaux :

1/ Les ruptures

Celles-ci sont de plusieurs ordres :

  • Rupture(s) avec l’environnement quotidien, la famille, les amis, le club sportif…
  • Modification brutale des habitudes ;
  • Relation qui devient exclusive avec un groupe et sa mission ;
  • Changement d’apparence physique ou vestimentaire ;
  • Une évolution qui peut être camouflée (incitation à la dissimulation) ;
  • Manifestation d’une pratique religieuse radicale, démonstrative (extension d’interdits alimentaires à l’entourage, retrait ou destruction de photos, obsession pour certains rituels).

2/ L’environnement personnel

Il se décline à trois niveaux :

  • Le contexte familial (absence ou rejet parental, situation familiale difficile, violences intrafamiliales) peut inciter à rechercher un nouveau cadre ou une nouvelle famille.
  • L’environnement social (situation de fragilité scolaire ou sociale, parfois vécue comme une injustice) conduit parfois l’individu à chercher une place dans la société.
  • Les réseaux relationnels (famille, amis, collègues, pratiquants de la même activité physique ou sportive…) déjà inscrits dans un processus de radicalisation sont susceptibles d’influencer et d’inciter une personne à se radicaliser.

3/ Les théories et les discours

Sans cesse rabâchés, certains énoncés peuvent s’avérer particulièrement délétères.

  • Le discours « victimaire » consiste à transformer les blessures réelles ou imaginées en sentiment de préjudice.
  • Le discours communautariste vise, lui, l’adhésion progressive aux préceptes de vie édictés par la communauté, laquelle est placée au-dessus des autres, ce qui conduit à la mise à l’écart de tout ce qui est différent de soi.
  • Le complotisme est une théorie qui récuse la version communément admise d’un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d’un complot fomenté par une minorité active.
  • La violence dans les propos et ses diverses expressions comme l’agressivité, les menaces et la haine (discours antisémites, antichrétiens ou homophobes, prosélytisme djihadiste, apologie du terrorisme, propos sur la fin des temps ou la mort…) sont aussi des signes de radicalisation.

Prévenir et informer d’une situation de radicalisation potentielle

1/ Ne pas tergiverser

Les équipes dirigeantes et techniques des clubs doivent, en la matière, favoriser la prévention en repérant, le plus tôt possible, les signes de radicalisation. En effet, plus tôt le risque d’exposition à une propagande conduisant à la violence est identifié, plus tôt l’entourage éducatif et sportif peut donner l’alerte et, ainsi, éviter la rupture radicale du licencié, son éventuel recrutement par une mouvance radicale et son passage à l’acte violent. « La veille commune et attentive, dans toute pratique sportive, est primordiale et ne peut que se renforcer en échangeant entre professionnels (professeurs, éducateurs, bénévoles, dirigeants) », insiste le ministère des Sports.

2/ « Partager le doute »

Face à une situation ou à des signes qui interpellent, il convient de « partager le doute » autour de soi. En clair, de ne pas rester seul mais, au contraire, d’échanger les informations avec ses collègues et son entourage. Si plusieurs collègues et/ou proches nourrissent les mêmes doutes, il est recommandé de signaler le cas problématique. Ce qui impose, en amont, d’adopter une bonne grille de lecture. Ainsi, les signes de radicalisation sont cumulatifs et d’une intensité variable. Il ne peuvent donc pas être pris isolément pour détecter un engagement dans l’extrémisme violent. Il est nécessaire de faire preuve de beaucoup de prudence pour déterminer si une situation relève, ou non, d’une trajectoire de radicalisation. Toutefois, même lorsque l’on n’est pas certain d’avoir identifié des combinaisons de signes suspects, il est préférable de « partager le doute » avec un professionnel habilité à qualifier la situation de préoccupante ou non.

Le signalement doit être effectué  :

  • Lorsqu’une situation inquiétante paraît menacer un proche ;
  • Si l’on a un doute ou des questions sur une situation ;
  • Pour obtenir des renseignements sur la conduite à tenir ;
  • Pour être écouté(e), conseillé(e) dans ses démarches.

3/ Auprès de qui ?

Il est possible de s’adresser à des référents identifiés, en l’occurrence :

  • Le référent prévention de la radicalisation au sein de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale DDCS ou de la Direction Régionale (ou Départementale), de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale DR(D)JSCS, de l’établissement (CREPS-INSEP) ou de l’école ;
  • Le référent citoyenneté au sein de la fédération sportive.

Par ailleurs, trois canaux de signalement ont été mis en place :

  • Le Centre National d’Assistance et de Prévention de la Radicalisation (CNAPR) via le formulaire en ligne ;
  • Les services de police ou de gendarmerie : tous les commissariats de police ou toutes les brigades de gendarmerie sont en mesure d’apporter une réponse ;
  • En cas d’urgence, le 17.

4/ Et après ?

Tous les signalements sont transmis au Préfet de département qui réunit un Groupe d’Évaluation Départemental (GED). Les signalements non pertinents ou abusifs ne sont pas retenus. Au regard de chaque cas, les réponses au signalement seront graduées, d’aucune suite particulière à la mise en œuvre d’un suivi après une évaluation par les acteurs détenant la légitimité et les compétences pour le faire. Le GED peut ainsi orienter le traitement de la situation vers la Cellule Départementale de Prévention de la Radicalisation et d’Accompagnement des Familles (CPRAF) afin de mettre en place une prise en charge à caractère social (y compris pour l’entourage) ou menant à un suivi sécuritaire si nécessaire. L’approche se veut préventive, globale et équilibrée. Les signalements sont confidentiels, si bien que signaler une situation ne peut jamais être reproché à celui qui en est à l’initiative.

Alexandre Terrini

Le sport pas oublié par le PNPR

Le Plan National de Prévention de la Radicalisation (PNPR) consacre quatre mesures au sport :

Mesure 23:
Développer une culture commune de la vigilance dans le champ sportif en lien avec les référents radicalisation du ministère des Sports. Sensibiliser les cadres techniques des fédérations sportives mais aussi ceux qui organisent des activités physiques et sportives non instituées (musculation, fitness, paintball, air soft etc.). Sensibiliser, par ailleurs, les directeurs des sports des municipalités (réseau Association Nationale des Directeurs d’Installations et des Services des Sports – ANDIISS) en vue de développer les signalements dans le cadre des dispositifs existants auprès des préfets.

Mesure 24 :
Intégrer la prévention de la radicalisation à la formation interfédérale des éducateurs sportifs et des formateurs de formateurs.

Mesure 25 :
Sous la coordination locale du Préfet de département, développer les actions de contrôle administratif et les orienter vers les disciplines et les territoires impactés par la radicalisation.

Mesure 26 :
Identifier, dans chaque fédération sportive nationale, un responsable de la citoyenneté, au sens large, comme relais auprès des autorités déconcentrées et point de contact pour les forces de sécurité intérieure. Affecter un officier de liaison (Gendarmerie ou Police) auprès du ministre des Sports.