Le ministère chargé des Sports a officiellement lancé, le 19 mai, ce dispositif abondé par l’État qui a pour but d’encourager dans les clubs de sport le retour des enfants et des adolescents des catégories sociales les plus modestes. Un leitmotiv qui répond à une urgence au regard de la situation économico-sanitaire du pays. Cependant, son déploiement suscite encore quelques interrogations.

Le Pass’Sport consiste à permettre à 1,8 million de jeunes de moins de seize ans issus de milieux défavorisés d’adhérer aux associations sportives à la rentrée prochaine. Et ce, moyennant une aide de 100 millions d’euros acquittée par les pouvoirs publics et destinée à prendre en charge une partie du coût de leur inscription dans un club. Une visée aux allures de promesse d’avenir, comme l’infirme le Comité National Olympique et Sportif (CNOSF) : « En devenant réalité et en s’adressant aux familles sur lesquelles il aura le plus d’effets positifs, il va au-delà de la simple aide financière. Il porte le message de l’importance de la pratique sportive pour la construction d’un jeune vers le chemin de la citoyenneté et du vivre ensemble. »

Des sources d’interrogations initiales

Pour autant, certains aspects envisagés de sa mise en place étaient initialement sources d’interrogations pour le CNOSF. En l’occurrence :

  • Un quotient familial plafond pour prétendre accéder au Pass’Sport fixé à 600 euros, ce qui excluait, de facto, des familles en difficulté – nombreuses en Île-de-France, en particulier dans les Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville (QPV) – qui légitimement devaient y être éligibles, par exemple celles composées d’un parent seul avec deux enfants rémunéré au Smic .
  • Un taux de recours (rapport entre le nombre d’utilisateurs et le nombre d’éligibles potentiels) au Pass’Sport de 70 % « en totale déconnexion avec la réalité du terrain », déplorait le CNOSF.
  • Un process trop complexe dans la mesure où « la simplicité qui devait prévaloir pour le remboursement des clubs a laissé place à un système inadapté pour les 165 000 clubs fédérés, via le compte ASSO que seuls 25 000 d’entre eux utilisent pour l’instant », rappelait le CNOSF. Qui enfonçait le clou : « La référence au compte ASSO mise de fait sur un renoncement des clubs les moins structurés à utiliser le dispositif, ce qui est forcément dommageable. »
  • Un formalisme hors de propos, en particulier « l’obligation stupéfiante », dixit le CNOSF, pour chaque club, de signer une charte d’engagement à assurer un accueil spécifique des bénéficiaires du Pass’Sport. « De quoi susciter un découragement supplémentaire », redoute le CNOSF.

Pour les foyers allocataires de l’Allocation de rentrée scolaire

Pour pallier ces carences annoncées, le CNOSF ne se contente pas de pointer les dysfonctionnements prévisibles mais formule, pour chacun d’eux, des suggestions :

  • Afin que le critère social « reste un marqueur fort du Pass’Sport », plutôt qu’un quotient familial arbitrairement fixé à 600 euros/mois, le mouvement sportif propose comme critère d’éligibilité le fait, pour une famille, de percevoir l’Allocation de rentrée scolaire (ARS). Soit un panel potentiel de 3 millions de foyers et de 5 millions de jeunes âgés de 6 à 18 ans. Ce qui impliquerait, en outre, d’adjoindre une information sur le sujet aux personnes concernées par le versement de ladite Allocation de rentrée scolaire. Par ailleurs, le CNOSF souhaite que le Pass’Sport soit élargi à ceux qui touchent l’Allocation adulte handicapé (AAH) et qui sont âgés de moins de trente ans. Ce qu’approuve le CROS Île-de-France qui promeut sans relâche l’handi-sport au nom du sport pour toutes et tous. Des recommandations finalement en grande partie retenues par le Gouvernement puisque le Pass’Sport concernera les foyers allocataires de ARS 2021 ainsi que ceux, âgés de 6 à 18 ans, de l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Les familles visées se verront notifier de cette aide par un courrier qui leur sera adressé dans la deuxième moitié du mois d’août et qu’elles devront présenter aux clubs sportifs de leur choix. Lors de l’adhésion de leur enfant, 50 euros leur seront retranchés. Un dispositif cumulable avec ceux, similaires, mis en place par de nombreuses collectivités locales ainsi qu’avec les aides de la Caisse d’allocations familiales (CAF).
  • Fixer le Pass’Sport à 40 euros. Pourquoi ? Parce qu’avec un tel montant et 2,5 millions de bénéficiaires effectifs (soit la moitié des ayants-droits théoriques), l’enveloppe des 100 millions d’euros dévolue à ce projet serait atteinte mais pas dépassée. Là, l’Exécutif a tranché pour un montant de 50 euros, lequel, explique le Ministère chargé des Sports, « couvrira tout ou partie du coût d’inscription dans un club, c’est-à-dire à la fois la partie licence reversée à la fédération ainsi que la partie cotisation qui revient au club ». C’est pourquoi il sera versé non pas aux familles mais directement aux clubs. « Le coup de pouce de 50 euros sera un réel élément d’incitation et de choix final pour adhérer à l’un des 160 000 clubs sportifs affiliés à l’une des fédérations membres du CNOSF », se félicite ce dernier.
  • Faire simple en ce qui concerne les démarches inhérentes au Pass’Sport. Il suffirait ainsi de présenter le courrier de la Caisse d’allocations familiales (CAF) attestant que la famille a droit à l’Allocation de rentrée scolaire pour avoir droit à la réduction de cotisation lors de l’adhésion au club. Une option qu’a, là encore, validée l’Exécutif. De son côté plaide le CNOSF, le club devra établir chaque mois, un relevé desdites réductions imputables au Pass’Sport et le transmettre à sa fédération afin que celle-ci puisse déduire le montant du relevé des licences qu’elle effectue par ailleurs. Ce serait en outre là un bon moyen d’inciter les clubs qui ne sont pas rattachés à une fédération de s’affilier afin de participer à cette opération, d’en profiter et d’intégrer les rangs du sport encadré en faveur duquel militent le mouvement olympique et, en particulier, le CROS Île-de-France.
  • Substituer à la charte relative au Pass’Sport que devaient parapher les clubs, un rapport annuel rédigé par chaque fédération à l’intention du ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports pour justifier de la bonne utilisation du Pass’Sport et, mieux, proposer des perspectives d’amélioration.
  • S’en tenir au principe de réalité et à des données objectives pour ce qui est de l’appréciation du taux de recours au Pass’Sport, lequel n’inclut pas les licences scolaires. « Ainsi donc, le taux de recours au Pass’Sport doit être apprécié à l’aune de celui du taux de jeunes licenciés dans un club fédéré (hors licences scolaires) par rapport au nombre d’individus appartenant à la même tranche d’âge », préconise le CNOSF.

Toutes les entités partenaires « devront être volontaires »

« Favoriser la reprise de l’activité physique et sportive chez les jeunes et les personnes en situation de handicap. Nous voulons que la totalité des 100 millions serve à ça et pas à autre chose », conclut le CNOSF. Cela devrait être le cas dans la mesure où, assure le ministère des Sports, le Pass’Sport pourra être utilisé :

  • Auprès des associations sportives affiliées aux fédérations sportives délégataires ;
  • Dans les Quartiers prioritaires de la ville (QPV), auprès de toutes les associations sportives affiliées ou non à une fédération sportive ;
  • Dans le réseau des maisons sport-santé reconnues par les Ministères de la Santé et des Sports.

En outre, toutes les entités partenaires « devront être volontaires et proposer une découverte gratuite de leur activité avant de confirmer la prise de licence », précise le ministère chargé des Sports. Elles seront d’ailleurs identifiées sur une carte interactive disponible sur le site www.sports.gouv.fr

Alexandre Terrini