Le 8 mars est la Journée internationale des droits des femmes. Dans l’absolu, nous aimerions qu’elle n’existât plus, ce qui signifierait que l’inégalité de genre ne serait qu’un mauvais souvenir et que plus rien ne leur serait inaccessible en raison de leur identité. On en est, hélas, encore loin, y compris dans le domaine du sport où le CROS Île-de-France lutte pour changer la donne.
Les chiffres confirment ce que nul n’ignore plus : dans le sport aussi sévit un plafond de verre qui limite la mixité. Ainsi, révèle l’Institut Régional de Développement du Sport (IRDS), sur les 2,4 millions de licences comptabilisées en Île-de-France, seulement 38 % sont détenues par des femmes. Une distorsion encore plus prégnante dans les Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) où ce pourcentage tombe à 32 %. Les statistiques de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) corroborent cette fâcheuse tendance : en région francilienne, les licences féminines n’agrègent que 31 % des licences olympiques, 36 % des licences non olympiques et 51 % des licences multisports.
Une portion congrue fruit d’un environnement psychosocial et économique peu favorisant dans ces territoires mais aussi ailleurs. De fait, les obstacles à la pratique féminine sont identifiés. Comme les liste l’IRDS, ils ont trait, par ordre décroissant d’importance, au coût, aux contraintes familiales, à des incompatibilités d’horaires ou encore, au désir de ne pas faire plus de sport. En somme, les femmes accumulent les freins qui s’appliquent à tous les Français, en particulier pécuniers, et ceux qui renvoient à leur condition de mère. Il est d’ailleurs révélateur de constater que leurs motivations premières de s’adonner à une activité physique sont plus prégnantes chez elles que chez leurs homologues masculins. En l’occurrence, la santé (pour 69 % d’entre elles contre 60 % pour ces Messieurs), le loisir et la détente (65 % contre 62 %), la possibilité de se défouler et d’oublier les problèmes (54 % contre 41 %) ou encore… l’amélioration de l’apparence (43 % contre 32 %).
Le fossé aurait plutôt tendance à se combler
Toujours est-il que sur trente-six disciplines recensées par l’IRDS, seules cinq ont dans leurs rangs la moitié ou plus de femmes : les sports de glace (88 %), la gymnastique (83 %), l’équitation (82 %), la natation et le roller. A l’inverse, les mauvais élèves affichent des taux d’une grande indigence, à l’image du football (7 %), du tir (10 %) ou du cyclisme (10 %). Certes, à la lecture du récent rapport de l’INJEP, le fossé aurait plutôt globalement tendance à se combler qu’à se creuser. Et ce, dans la mesure où si « les femmes pratiquent une activité sportive un peu moins souvent que les hommes, l’écart se réduit. Le taux de pratique est resté stable chez les femmes (à 63 %) ; il a baissé de trois points chez les hommes (de 69 % à 66%) », de 2018 à 2020.
Mais là où le bât blesse cruellement, c’est au niveau des fonctions dirigeantes. Les chiffres publiés par l’association Femix’Sport, qui accompagne le développement et la promotion du sport au féminin et en mixité, sont éloquents. Avant les récentes élections fédérales à l’aube de cette nouvelle olympiade, les femmes n’étaient à la tête que d’une seule fédération olympique tandis qu’elles n’occupaient que 12 % des postes de Directeur technique national (DTN), 20 % de ceux de DTN adjoint et ne représentaient que 18 % des Conseillers techniques sportifs (CTS).
Le CROS Île-de-France, un acteur majeur de l’inclusion par le sport
Ces données légitiment encore plus, si besoin en était, le combat du CROS Île-de-France en faveur de l’accès des femmes au sport à tous les échelons, qu’il s’agisse de s’y adonner ou d’assumer un rôle d’encadrante ou de dirigeante. Dans cette optique, le concept Sport En en fait un acteur majeur de l’inclusion par le sport, en particulier des jeunes filles, et donc de la lutte contre tout sexisme.
Ainsi, l’action Sport en Filles s’adresse à des adolescentes de 11 à 17 ans n’étant pas ou peu familiarisées à la pratique sportive. Et ce, à raison de trois sessions par an (Sport en Filles été, Sport en Filles automne et Sport en Filles hiver). Là, l’occasion leur est offerte d’appréhender, trois jours durant, des disciplines auxquelles elles ont rarement accès (lutte, badminton, course d’orientation, canoë kayak, escalade,…). Le tout sous la houlette de moniteurs diplômés. Un objectif qui n’est pas exclusivement immédiat. Il s’inscrit à plus long terme tant le but est d’inciter à rejoindre une structure encadrée, laquelle peut être un club ou une association sportive scolaire.
Sport en Mixte vise également à défendre l’égalité des sexes en matière de pratique sportive. Il se veut être une immersion dans une société dont la composition plurielle, d’hommes et de femmes, se doit d’être une évidence admise dès l’enfance. Comment ? Là encore, en initiant à diverses activités et pendant trois jours 300 Franciliens de 11 à 17 ans issus des Quartiers prioritaires de la politique de la Ville (QPV). Le tout dans la recherche d’une stricte parité (50 % de filles, 50 % de garçons) et avec l’ambition que, grâce aux conseils des professionnels du sport fédéré, un maximum d’entre eux franchissent le pas en se licenciant, par la suite, au sein d’une association et que le sport devienne une constante dans leur quotidien.
La parité étant plus que jamais un axe prioritaire du CROS Île-de-France, celui-ci a créé les Trophées Femmes en Or afin de braquer les projecteurs sur l’apport incontournable et grandissant des femmes dans le sport francilien, qu’elles soient dirigeantes, arbitres, formatrices, entraîneures ou simplement bénévoles. Une féminisation qu’il est essentiel d’encourager en honorant les intéressées lors d’une cérémonie à la DRJSCS Île-de-France. Et ce, en concertation avec les ligues et les comités régionaux, lesquels sont invités à proposer des femmes qui se sont distinguées par leur engagement exemplaire au service du mouvement sportif francilien.
Une dynamique à enclencher
Des initiatives qui font bouger les lignes avec l’espoir d’un effet boule de neige jusque dans les plus hautes sphères. Car c’est bien cette dynamique qu’il convient d’enclencher. « En Île-de-France, il n’y a que 15 % de licenciées au sein du Comité régional de cyclotourisme, explique sa Présidente, Anne-Sophie Mercier. Cela signifie qu’il y aura forcément moins de femmes au sein des instances dirigeantes. »
La partie est loin d’être gagnée, prévient Haïdy Aron-Campan, Présidente du Comité régional de la Fédération française du sport d’entreprise (FFSE) : « Le sujet est bien pris en main mais l’on se pose toujours la question de la vraie volonté politique qu’il peut y avoir derrière. Il existe une volonté de montrer que c’est un sujet qui tient à cœur mais il n’y a pas de moyens pour que les actions soient franches. Les choses évoluent lentement car plus d’efforts sont faits qu’il y a dix ans. C’est d’abord une question d’a priori. Les habitudes sont tellement ancrées depuis des décennies que les gens n’ont pas ce réflexe. »
Alexandre Terrini
« Rassurer les femmes sur leur capacité à faire »
Pourtant, in fine, tout est affaire de compétences, assure Anne-Sophie Mercier : « À partir du moment où l’on aborde les sujets de manière constructive et factuelle, on coupe l’herbe sous le pied de ceux qui ont des préjugés à l’encontre des femmes. C’est la reconnaissance du travail effectué qui confère de la valeur à la personne. On existe avant tout par son professionnalisme, sachant que les femmes ont beaucoup moins d’ego que les hommes. Elles ont une autre façon de penser. Elles sont dans le concret et l’efficience. En revanche, il est fréquent que par humilité et modestie, elles se sentent moins capables. À elles de se positionner davantage et de moins avoir de complexes au moment de prendre des responsabilités importantes. Il faut les rassurer sur leur capacité à faire en leur expliquant que ce sont des jobs ouverts à tous et qu’il n’y a pas forcément besoin de les avoir exercés auparavant ».
Plus largement, l’enjeu est sociétal : « Les femmes ne bénéficient pas d’une organisation qui leur permette d’enclencher leur ambition à devenir dirigeante, déplore Haïdy Aron-Campan. Elles ont tellement de charges, en particulier dans la gestion familiale, que si on leur propose des fonctions à responsabilités, il est impératif de prévoir des aménagements pour que cela soit possible. Ce sont des choses que l’on fait déjà pour les personnes en situation de handicap afin qu’elles puissent assumer leurs missions. Cela va prendre du temps mais ce temps, on peut le bousculer en faisant de la sensibilisation. »
Alexandre Terrini