Source Route du Rhum

Sidney Gavignet (Stade Français, 75) en a terminé mardi 20 novembre, à 23 heures 18 minutes et 5 secondes, (heure Paris), avec sa Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Il a surtout, en 16 jours, 10 heures, 18 minutes et 05 secondes, avec cette formidable victoire dans la catégorie Rhum Mono, refermé, pour de bon, les premiers longs et passionnants chapitres d’une vie entièrement consacrée au sport de voile de haut niveau, de l’Olympisme à la course au large.

Cette dernière grande transatlantique entre Saint-Malo et Pointe à Pitre est l’épilogue d’années de quête de l’excellence vélique, pratiquée sur tous les supports. Sidney ne naviguera plus en course et ce clin d’oeil du destin lors de ce dernier voyage demeure le plus beau des passages d’une vie de marin à une autre existence, encore à construire, tournée vers les autres, et basée sur les valeurs et les convictions amassées dans l’exigence de la pratique de la voile hauturière. La Guadeloupe a donc salué ce soir plus qu’un marin, plus qu’un vainqueur, mais un homme nouveau prêt à appareiller avec envie et enthousiasme pour tout ce que la vie terrienne a à lui offrir.

Une dernière victoire en forme d’exutoire

Sidney a fait un grand voyage. Plus que ces 4 736 milles parcourus sur le fond (à 12,01 noeuds de moyenne), il s’est donné, en 16 jours, la possibilité d’introspecter une dernière fois ce que la vie, la voile lui ont donné depuis près de 3 décennies dédiées exclusivement à naviguer le plus vite possible sur tous les plans d’eau du monde. Yann Bucaille, ami de longue date, lui a offert, avec ce Café Joyeux, nouveau concept de café administré par des personnes en situation de handicap cognitif, non pas une rédemption, mais un tremplin vers une nouvelle énergie de vie. Cette Route du Rhum aura été comme l’exutoire de tout ce qui pouvait demeurer d’ancien chez Sidney. Mille après mille, il a une dernière fois répété ses gammes, jaugé ses compétences, évalué ses manques, et travaillé ses lacunes, techniques mais surtout humaines. La victoire, il la dédie bien sûr à toutes les femmes et hommes de Café Joyeux, projet ouvert sur le monde, sur l’autre, sur une attitude que les exigences du haut niveau ne lui ont que trop peu permis de pratiquer.

Cette Route du Rhum est donc une forme de couronnement pour celui qui va quitter ce milieu. Il se devait, à lui même et à la cause qu’il défend, de montrer le meilleur de lui-même. En tête quasiment de bout en bout, depuis le spectaculaire départ malouin du 4 novembre dernier, il n’a pas reculé devant les grosses difficultés de la course, et est résolument parti à l’encontre des fronts dépressionnaires, quitte à faire radicalement le dos rond durant de longues heures, avant de déboucher derrière la dépression en position idéale pour envoyer ses grandes voiles d’avant, et entamer ce long et étrange ballet sur les houles alizéennes, en quête permanente d’équilibre sous spi ou grand gennaker. Il se dotait surtout d’un important décalage latéral Est Ouest, qu’il n’allait cesser de faire fructifier au fil des jours, portant son avantage à plus de 230 milles sur le 60 pieds de Sébastien Destremau, concurrent sérieux à la victoire finale.

Jamais seul au monde, en connexion avec Café Joyeux, et ses rêves de demain, il pouvait jouir intensément du meilleur de ce sport de voile tant et si longtemps aimé. Alors Sidney, dorénavant, ce ne sera plus « Bon vent », mais « belle vie ».