« Faire de la France une vraie nation sportive » et « développer la pratique d’activités physiques et sportives tout au long de la vie » : ces deux visées font l’unanimité. Reste l’essentiel : comment faire pour leur donner corps ? Pour cela, Françoise Gatel, sénatrice UDI d’Ille-et-Vilaine, et François Cormier-Bouligeon, député LREM du Cher, ont des idées qu’ils ont consignées dans le rapport remis au Premier ministre, Édouard Philippe, le 21 mars. Nombre de solutions associent, bien entendu, les clubs. Décryptage.

Adapter et la diversifier de l’offre sportive

La réalisation de cet objectif passe, pour les auteurs du rapport, par le soutien financier à l’accueil de publics divers par les associations sportives afin de bâtir une offre cohérente au niveau local. Le rapport suggère, en outre, que les clubs privilégient une offre d’activités sportives à destination des enfants et de leurs accompagnants durant les mêmes créneaux afin d’augmenter les possibilités des uns et des autres de s’adonner à une activité physique.

Autre piste, généraliser la mise en place, dans un cadre partenarial (État, collectivités territoriales et mouvement sportif) de dispositifs permettant la pratique d’un ensemble d’activités physiques et sportives gratuites pour des publics éloignés (femmes isolées, jeunes issus des QPV, seniors en milieu rural etc.). En somme, dans certains cas, les clubs ne feraient pas payer l’adhésion ni la licence mais seraient dédommagés par les pouvoirs publics pour compenser ce manque à gagner.

Les deux parlementaires n’ignorent pas non plus qu’il faut donner aux associations sportives les moyens de remplir leurs missions sur le terrain. Pour cela, ils recommandent d’engager « un plan pluriannuel de soutien au développement et à la pérennisation d’emplois dans les associations pour leur permettre de développer une offre sportive multipublic et ainsi consolider leur modèle ». Une aubaine après la suppression des emplois aidés qui a considérablement impacté les clubs, lesquels n’ont plus pu compter sur ce dispositif pour continuer de croître.

Sur le plan administratif, il est question de diligenter « un plan de déploiement de missions de Service civique dédiées au développement des associations et des clubs, par le montage de projets et de dossiers, et par la recherche de financements pour permettre aux associations sportives de bénéficier de moyens supplémentaires, de développer et de pérenniser leur activité ». Une aubaine pour les clubs, très souvent en mal de forces vives pour se structurer de la sorte.

Les installations sportives

Pour pallier le constat de carence en la matière, que nul ne conteste, en particulier en Île-de-France, l’idée est d’explorer ce qui peut être fait dans le cadre des Projets sportifs territoriaux en réalisant d’une part, une cartographie des équipements sportifs en indiquant leur taux de saturation et leur vétusté ; d’autre part, une cartographie des bâtiments et sites existants susceptibles d’être aménagés et reconvertis en équipements sportifs. À partir de ces données, il conviendrait de d’élaborer un plan pluriannuel de modernisation des équipements sportifs, en priorisant dans les territoires ruraux, les Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV) et en Outre-mer.

Dans cette optique, il est également crucial d’optimiser l’utilisation des installations sportives scolaires en prévoyant leur ouverture systématique hors cadre scolaire. Ce qui commande d’inclure systématiquement, dans le cahier des charges des futures constructions d’équipements sportifs scolaires, une accessibilité simple, sécurisée et indépendante à l’établissement à l’intention des personnes extérieures.

Le Sport Santé

Ce concept, qui constitue une priorité pour le CROS Île-de-France, se veut gagnant-gagnant, aussi bien en termes d’optimisation de la santé publique que de gain de pratiquants pour les Ligues et Comités sportifs. Dans cette optique, le rapport insiste sur l’indispensable structuration d’une « offre territoriale encore très disparate » en instaurant un guichet unique et une mise en réseau des intervenants favorisant la mise en place d’un parcours global de suivi et d’évaluation du patient. Quitte à prévoir une labellisation « Maison Sport Santé » des initiatives pertinentes en la matière.

De même, serait-il opportun de généraliser la prise en charge, par l’Assurance maladie et les mutuelles complémentaires, des consultations préalables et des prescriptions d’activités physiques et sportives (APS) dans le cadre d’affections de longue durée (ALD). Nul doute que de telles orientations profiteraient aux clubs. Quitte à ce que les Fédérations, les Ligues et Comités assurent la formation initiale et continue des professionnels du sport en matière de sport santé, d’activité physique adaptée (APA) et de prévention par l’APS. Sans compter, comme le préconise également le rapport, la définition d’un socle commun de compétences en Sport Santé pour les intervenants bénévoles.

Le handisport

Les exigences sont les mêmes pour ce qui est de le handisport, le rapport insistant sur la nécessité de « généraliser, au sein de chaque fédération, l’existence d’une formation spécialisée à l’accueil de personnes en situation de handicap et faciliter la diffusion de l’information sur les formations existantes auprès des clubs et de leurs éducateurs ».

Pratique sportive et cohésion sociale

Là encore, les deux parlementaires veulent inciter les clubs à se montrer proactifs en favorisant l’essor de la pratique sportive entre autres auprès de publics issus des QPV. À cette fin, il s’agirait de prendre en compte, dans le cadre des critères de subventionnement des clubs par les collectivités territoriales, les actions menées par ce dernier dans le domaine de l’inclusion sociale ou en faveur de certains publics éloignés du sport, voire l’existence de tarifs de cotisation modulés pour certains publics en situation de précarité. Ce que nombre de structures franciliennes font, au demeurant, déjà.

Alexandre Terrini

Alban Moutier « Notre but est d’accompagner les gens vers une pratique sportive »

Le Président du Comité Régional Sports pour Tous Île-de-France, adhérent du CROS Île-de-France, explique comment l’instance qu’il dirige agit en faveur de la démocratisation sans exclusive des activités physiques.

Quelle est la spécificité de la Fédération Sports pour Tous ?
C’est une fédération omnisports mais qui se concentre essentiellement sur les activités gymniques, d’entretien et d’expression (gym douce, qi gong, tai chi) ainsi qu’accessoirement, sur les arts martiaux uniquement dans leur dimension loisir, la randonnée pédestre, la marche nordique et, pour les plus jeunes, sur les activités d’éveil à la motricité et de coordination. Sans compter le handisport (basket fauteuil…). Par ailleurs, elle n’organise pas de compétition de type Championnat. Nous intervenons auprès de publics très différents, des écoles primaires aux maisons de retraite en passant par le milieu carcéral, les bases de loisirs, les gens du voyage, les locaux d’Emmaüs, les foyers de migrants ou encore, les établissements et services d’aide par le travail (Esat). Dans tous les cas, notre but est d’accompagner les gens vers une pratique sportive.

Le Sport Santé est également l’une de vos priorités…
Tout à fait. Nous sommes très actifs sur ce créneau-là. Nous déclinons notamment, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), dans les Mairies etc. le programme Pied (pour Projet intégré d’équilibre dynamique) destiné aux seniors et qui a vocation à prévenir les chutes. Nous mettons également en œuvre le programme DiabetAction qui incite les patients diabétiques ou en passe de le devenir à se (re-)mettre au sport de manière adaptée afin de juguler les effets délétères de cette pathologie.

Quels sont les publics les plus éloignés de la pratique sportive ?
Les seniors mais aussi les jeunes filles issues des Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV). En fait, la tendance est générale. Aujourd’hui, on a quand même le sentiment qu’une grande partie de la population française ne fait pas de sport quotidiennement et, a fortiori, n’est pas licenciée dans un club. Ce sont précisément ces gens-là que nous voulons capter. La cause en est multifactorielle.

« Nous proposons des programmes d’activité annuels »

Comment procédez-vous sur le terrain ?
La Fédération a un projet d’actions national intitulé CAP 2021, lequel est décliné au niveau régional. Même si, parfois, nous organisons des journées de découverte pour inciter les gens à, ensuite, s’orienter vers l’un des clubs Sport pour Tous, le plus souvent, nous proposons des programmes d’activité annuels, voire pluriannuels au sein des structures qui font appel à nous. Là, le but est de faire en sorte que ceux qui n’ont pas d’activité physique s’y mettent. Au départ, nous évaluons la condition physique des personnes pour leur dire où elles en sont et leur faire prendre conscience du bénéfice qu’elles tireraient à pratiquer une activité physique régulière. De son côté, la structure programme une séance hebdomadaire d’une heure et demi à deux heures dont nous assurons l’animation. Il est fréquent que nous rééditions l’évaluation individuelle à la fin du programme pour mesurer la progression de chacun. Dans cette configuration aussi, nous invitons les gens à se licencier dans l’un de nos clubs.

Vous êtes membre du CROS Île-de-France. Quelles sont les synergies entre le Comité Régional Sports pour Tous et le CROS Île-de-France ?
Nous avons environ 250 clubs affiliés et 18 000 licenciés en Île-de-France. Nous intervenons sur les bases de loisirs, dans le cadre d’événements comme Sport en filles, Sport en mixte etc. Là, nous faisons découvrir des disciplines très peu connues du grand public, telles que le speed ball, l’indiaca, le coxi bola etc. Nous en profitons pour fournir aux participants la liste de nos clubs. Libre ensuite à chacun de les contacter pour y pratiquer l’activité de son choix. Plus largement, nous avons une relation de confiance avec la Présidente du CROS Île-de-France, Evelyne Ciriegi, qui nous a toujours accompagnés et soutenus.

Propos recueillis par Alexandre Terrini